lundi 17 décembre 2012

Sainte Lucie, fête de la lumière


On ne lit pas impunément des polars nordiques depuis six ans et demi au moins. A force, on finit par connaître les coutumes des pays scandinaves (qui a dit : "Le 59, c'est déjà l'Europe du Nord" - variante : "le Cercle Polaire" ?). En Suède, la célébration de la Sainte Lucie en est une. Elle a lieu le 13 décembre. On y fête la lumière, paradoxe alors que les jours sont les plus courts de l'année. Chants, processions dans un foisonnement de bougies, dégustation de brioches au safran... Cet usage rejoint le vieux dicton de chez nous qui veut que les jours croissent "à la Sainte Luce, du saut d'une puce, au Noë, du saut d'un baudet" tandis qu'"aux Rois, on s'en aperçoit". Réminiscence du calendrier julien selon lequel le solstice d'hiver tombait le 13 décembre. Le dernier Edwardsson que j'ai lu, Le ciel se trouve sur terre, fait amplement état de ces pratiques festives qui soulignent l’ambiguïté du feu, ardeur païenne et élévation spirituelle. Un bouquin quelque peu déroutant, soit dit en passant, puisque, s'il est le dernier opus de l'auteur sorti en poche, il occupe la cinquième position dans la chronologie des enquêtes du commissaire Winter. Une chatte n'y retrouverait pas ses petits.
Cette année, tout imprégnée de culture nordique "livresque", j'ai conçu l'envie d'adopter cette tradition. De l'adapter aussi : point de brioche safranée, point de défilé dans les rues (seule, une chandelle à la main, j'aurais fait piètre figure)... Reste son essence même : l'hommage à la lumière, à travers les bougies allumées dans la maison, telles un défi à l’obscurité.


Face à ce bouquet de flammes, il a bien sûr fallu veiller à ce que les fourrures félines ne s'embrasent pas. Cela a déjà été le cas par le passé, un soir de Noël, un ou deux de mes bestiaux, dans leur imprudence et leur assurance, ayant frôlé ou enjambé une bougie. Il en est résulté une touffe de poil carbonisée, l'odeur caractéristique de la kératine brûlée, mais fort heureusement point de bobo : les chats sont-ils ignifugés ? Les individus concernés ne se sont même pas rendus compte de l'incident, qui a mis en émoi la maisonnée...
La fête de la lumière est un acte de résistance et d'espoir au plus creux de la nuit, quand la clarté vitale semble sur le point de perdre le combat, quand on doute que la Terre, accablée par le poids croissant des ténèbres, relève jamais la tête.
Et puis, ces petites flammes, c'est aussi l'occasion de se remémorer les félins bien-aimés dont la vie fut "like a candle in the wind"... Les coutumes nordiques, même objets de quelques libertés et intégrées à une sorte de syncrétisme, ont du bon... Même si du coup elles vous remuent un peu l'âme...
Dans quelques jours, ce sera le solstice d'hiver. Dans quelques jours, la Terre commencera à relever la tête.

jeudi 13 décembre 2012

Automne en Normandie


Non, ce n'est pas du festival éponyme qu'il s'agit. Mais d'un parfum.
Dieppe, un 31 décembre. La Grande-Rue était moins fréquentée qu'un samedi après-midi. Je traînais avant de regagner l'hôtel, admirant les balcons de fer forgé, m'attardant devant certaines vitrines. Difficile, dans mon désœuvrement, de résister à l'attrait d'une parfumerie, d'autant qu'elle proposait, au milieu des jus banals, passe-partout et interchangeables, les parfums Serge Lutens. Je savais qu'un flacon de Muscs Koublaï Khan m'attendait (le Père Noël avait un peu de retard dans sa livraison), mais la curiosité fut plus forte.
J'avais demandé à sentir Datura Noir et Chypre Rouge. S'il est apparu que le premier n'était pas pour moi, l'atypisme, l'étrangeté, presque, du second m'avaient intriguée, et le charmant vendeur m'en avait rempli une fiolette - une "flûte" dans le jargon des professionnels - que j'avais précieusement gardée. Je l'ai perdue de vue, puis elle est réapparue récemment à la faveur de fouilles dans un sac de voyage. En près de cinq ans, le jus a eu le temps de se concentrer. Et moi d’évoluer.
Les chypres sont une famille un peu spéciale. Ses représentants ne séduisent pas au premier abord. Il faut leur donner le temps de vous conquérir, et se donner le temps de les conquérir. Ah, ils sont chics ! Mais comme Vol de Nuit, ils ne s'apprivoisent pas facilement. Ils demandent, lâchons le mot, une certaine maturité. Ainsi j'ai toujours eu beaucoup de mal à définir cette fragrance opulente et pourtant austère. Elle s'ouvre sur une bouffée de réglisse non édulcorée qui m'évoque les tablettes de Zan. Elle est suivie par les arômes profonds du bois, teck ou cèdre, mais aussi espèces moins exotiques. J'en décrirais précisément l'odeur comme celle... des rognures de crayons Conté ! Il y a quelque chose d'automnal dans ce parfum. La bascule des saisons est accomplie, l'été est déjà loin. On marche dans une forêt sur un tapis de mousse et de feuilles mortes. Vient une phase, la plus "lutensienne" peut-être, où les fruits secs - ou la confiture de prunes caramélisée dans le chaudron - s'insinuent puis s'imposent. Et toujours ces accents boisés qui peuvent se faire doux ou piquants et persistent longtemps sur la peau..
Voici peu de temps, j'ai traversé le plateau de Caux. Je conduisais en pays inconnu, découvrant la campagne, les villages qui s’enchaînent. La terre fraîchement labourée était noire. Les bouquets d'arbres qui parsemaient le paysage brumeux portaient haut leurs frondaisons cinabre. J'ai pensé à Chypre Rouge. Il me parle décidément d'automne et d'hiver en Normandie, du Trio n° 2 de Schubert, des fêtes de fin d'année et en particulier de ce soir du Nouvel An, le premier depuis longtemps en terre aimée, où je l'ai peut-être porté... Si peu côtoyé, finalement, et pourtant porteur de sa charge d'impressions et de souvenirs...
Je repense aussi à ces vers d'Albert Samain, le poète symboliste lillois :

A pas lents et suivis du chien de la maison
Nous refaisons la route à présent trop connue.
Un pâle automne saigne au fond de l'avenue,
Et des femmes en deuil passent à l'horizon.

Autrefois proposé dans les flacons rectangulaires et disponible en parfumeries, le parfum a gagné le Palais-Royal et ses flacons cloche. Mais mon échantillon de Chypre Rouge, je le sens et le re-sens. Est-ce à dire que je suis prête à lui ouvrir les portes de mon univers, à l'adopter ? Oui, je crois que j'aimerais à pas lents traverser la saison froide à ses côtés - même sur des routes inconnues...

mardi 11 décembre 2012

Bijoux Tintinnabule, un coup de coeur


C'est par hasard que j'ai découvert sur la Toile la boutique Tintinnabule, après avoir tapé "bijoux médiévaux" dans un moteur de recherche. Un site au nom joliment trouvé, qui évoque les clochettes d'un traîneau lancé à folle allure sur des pistes enneigées à travers des forêts de bouleaux ou de conifères. Et, surtout, le tintement discret d'un bijou à l'éclat doucement souligné par la lueur des chandelles... D'emblée, j'ai su que j'étais arrivée là où je voulais aller.
Boucles d'oreilles, bagues, colliers, toutes sortes de parures réalisées en alliage d'étain et enchâssées de cabochons colorés sont proposées par leur créatrice, Béatrice Demarson. Celle-ci s'inspire d'éléments d'architecture médiévale pour dessiner ses bijoux, quand ce n'est pas l'esprit viking et ses lignes épurées qui président à leur conception. Ils sont ensuite produits en petites séries par un artisan fondeur. De la belle ouvrage mêlant tradition et modernité, qui introduit un peu de Merveilleux dans le quotidien. Ce style me correspond. J'ai été séduite...
Bien d'aujourd'hui, les créations de Béatrice Demarson n'en dégagent pas moins le charme du temps passé, la magie d'un Âge d'Or empreint de poésie et de spiritualité... On se prend à rêver de troubadours et d'amour courtois... Cerise sur le gâteau, elles sont très abordables et la livraison est offerte dès 25 € d'achats.
Créativité, originalité, qualité... Une mine pour le Père Noël, une adresse à lui glisser dans le tuyau de l'oreille...

La boutique en ligne :
http://www.tintinnabule-bijoux.com/
Tél. : 06 68 36 23 90

Tintinnabule dispose aussi d'un blog :
http://tintinnabule-bijoux.over-blog.com/

Illustrations : Tintinnabule, avec l'aimable autorisation de Mme Demarson.

lundi 10 décembre 2012

Annie et Yves

J'ai fait leur connaissance lors d'un réveillon de Nouvel An au Comptoir à Huîtres. Nous étions voisins de table. Salutations, sourires... Ces gens sont polis et bien disposés. De fait je n'aime guère les lieux guindés où l'on se regarde en chiens de faïence, quand on se regarde...
Vient un "trou normand" particulier aux accros au tabac. Je sors en effet pour tirer quelques bouffées dans la nuit, devant l'établissement. Mon voisin, fumeur lui aussi, est là. Non contents d'être guettés par le Crabe - un comble quand ils fréquentent un restaurant de fruits de mer - les fumeurs se voient relégués sur le trottoir, qu'il pleuve, neige ou vente. C'est un choix.
La conversation s'engage et s'oriente très vite, on se demande bien pourquoi, vers les chats. Le monsieur et sa femme pleurent encore leur belle Cléo, disparue trois ans plus tôt. Nous regagnons nos tables et poursuivons nos propos. Le couple habite près de Forges-les-Eaux. Ils se prénomment Annie et Yves. Ce sont des habitués du Comptoir. J'en suis une aussi, si on veut, dans la mesure où deux cent neuf kilomètres séparent le quai de Norvège à Dieppe de mon habitation. Annie et Yves sont agréables, cordiaux, diserts mais pas envahissants. Les voisins idéaux...
Comme toujours dans l'antre de Stéphane Barq la soirée passe très vite. Je n'attends pas les douze coups de minuit pour quitter le restaurant. Il gèle et la chaussée est pailletée de givre. Je veux regagner ma chambre normande en sécurité. Je roulerai au pas, moins à cause des deux gorgées de "Béné" que j'ai bues pour clore le repas que de l'état de la route.
Un peu plus de trois mois et demi plus tard, alors que je m'apprête à fêter mon anniversaire au Comptoir, j'ai la surprise de les y retrouver. Ils descendent de voiture. Nous nous reconnaissons. Nous nous donnons des nouvelles, parlons. Le ton est chaleureux. Il est bien sûr question de chats. Et puis on se sépare, en espérant se retrouver un jour au coin d'une table... Jamais deux sans trois...
Je suis retournée au Comptoir à Huîtres. Autres rencontres fugaces entre convives peut-être désinhibés par le vin, autres conversations qui éclosent entre deux tables...
Ainsi vont ces rencontres d'une soirée, au fil du brassage incessant de la vie qui nous rapproche et nous éloigne. On sympathise, on échange numéro de téléphone ou adresse e-mail, parfois on se retrouve sans l'avoir cherché. Parfois on n'a plus l'occasion de se croiser...
J'aurais aimé revoir Annie et Yves.
Annie, Yves, où que vous soyez, j'aimerais savoir ce que vous êtes devenus...

dimanche 9 décembre 2012

Cirage de pompes


Il faut que je vous avoue un vice caché : j'aime cirer les pompes. Les miennes uniquement, et au sens propre, si je puis dire.
Prendre soin de ses souliers est une activité qui procure relaxation et satisfaction. Rien de tel que d'avoir les mains ainsi occupées pour évacuer le stress et retrouver la sérénité. On se vide l'esprit et on est content du résultat : des chaussures propres et brillantes comme un sou neuf qu'on est fier d'arborer aux pieds. On leur doit bien ça. Et c'est toujours sans acrimonie aucune que je m'attelle à cette humble - mais ô combien essentielle - tâche.
Récemment, dans un grand élan d'énergie nettoyeuse, bottes et bottines y sont passées.
J'aime bien les cordonneries à l'ancienne (un pléonasme ?) qui tendent à se faire rares, les odeurs de cuir et de colle et tout l'arsenal des produits destinés à rendre une nouvelle jeunesse à nos grolles. J'ai donc acheté chez mon cordonnier une petite boîte de cirage noir de la marque Woly. Le top. Il me semble qu'autrefois l'emblème de Woly était un chat blanc. Je revois les anciennes publicités. Et puis j'aime l'odeur du cirage. Je garde en mémoire celui aux effluves de térébenthine que je trouvais à la boutique de l'abbaye de Saint-Wandrille, compact dans sa boîte ronde en fer-blanc. Est-ce pour cette raison que Normandie et activité "ciragière" sont, chez moi, liées ? Avec un soupçon de nostalgie ? Le Woly quant à lui sent l'amande amère. Il contient peut-être de l'acide cyanhydrique. C'est pour cela que je me suis bien gardée d'y goûter (en général je ne goûte jamais le cirage). Vous imaginez : morte le chiffon à la main, et même pas droite dans mes bottes, puisque j'étais déchaussée.
C'est de pompes funèbres qu'il aurait dès lors été question.


Et c’est l’occasion d’écouter le grand Félix Leclerc.