lundi 25 novembre 2013

Chalendriers

Depuis plus de deux mois déjà, ils vous font de l’œil sur les présentoirs tournants postés bien en vue à l'entrée (ou la sortie ; c'est selon) des librairies.
"Ils", ce sont les calendriers. L'année a à peine le temps de s'achever que déjà les éditeurs nous bousculent, nous projettent de force dans la suivante. Il y a tous les gabarits : les grands (pour décorer les murs), les petits (pour poser sur un meuble). Stratégie commerciale : ces objets sont beaux, tentants, proposés par le vendeur en quantité limitée. On nous incite donc fortement à prévoir. "Mieux vaut tenir que courir".
Depuis pas mal d'années, je suspends au mur de mon bureau un calendrier "à chats". Ce qui ne vous étonnera pas outre-mesure. Ces faces ou ces silhouettes félines qui rythment les mois, voire les semaines, font partie de mon décor quotidien. Point question de jeter les éditions des années passées : je les garde soigneusement dans ma bibliothèque, moins pour des souvenirs qui se seraient accrochés aux jours que pour la beauté, l'humour ou la créativité des images. Car certains de ces objets sont de véritables œuvres d'art. Et si le thème est invariable, ses déclinaisons sont multiples. J'ai ainsi eu les Chats de Dubout, achetés à la droguerie Deconihout, rue du Gros à Rouen, ces matous et ces matounes qui nous montrent impoliment leur derrière ou jouent les mères de famille nombreuse, reflétant l'humour sarcastique et irrévérencieux du dessinateur. J'ai accroché au mur des minettes élégantes et charmeuses, dessinées tout en lignes fluides et sinueuses dans une dominante rose et rouge, qui se prélassant dans un escarpin à talon aiguille, qui arborant fièrement une aigrette très Années Folles. Des chats photographiés, et pas par n'importe qui : depuis le 1er janvier les clichés de Hans Silvester me tiennent compagnie. C'est en fait un ouvrage, intitulé "Paroles de chats", où les images - une chaque semaine - s'accompagnent de quelques lignes signées Raphaële Rives. Les greffiers n'apprécieraient pas nécessairement qu'on leur prête des propos dont ils n'ont que faire pour s'exprimer (ah, l’anthropocentrisme !). Mais ne chicanons pas. Photos et modèles sont magnifiques, plus beaux les uns que les autres. On aimerait les contempler tous en même temps. Et puis on trouve des ressemblances avec les membres de la tribu. J'espère qu'une édition 2014 est prévue... Au-dessus de mon bureau est suspendu un calendrier dont d'attendrissants chatons ornent les pages. La salle de séjour n'a pas été oubliée : là chaque mois présente deux matous. On retourne (si on veut) la page vers le 15 pour admirer une nouvelle beauté poilue.
J'ai remarqué que les calendriers à chats avant tendance à partir très vite des présentoirs. (Je me suis dit que je ne partageais pas mon ailurophilie qu'avec moi-même : ça rassure). Alors j'ai fait mes provisions : dans quelques semaines les chats de Hans Silvester et ceux de la maison Yvon (comme les cartes postales !) auront des remplaçants. Ils sont (pour l'instant) trois à se disputer les meilleurs emplacements. Et il n'est pas dit que je ne céderai pas de nouveau à la tentation. Tant pis s'il faut monter de nouveaux murs pour y apposer mes trouvailles, dont le caractère utilitaire n'est finalement qu'un prétexte (même s'il est parfois bon de savoir quel jour on est).
Une chose est sûre : avec ou sans chats, le temps file... Mais contrairement à nous, fols que nous sommes, ces sages ne sont pas tentés de le retenir...
Et le traditionnel calendrier des Postes, direz-vous ? Est-il aussi illustré de chatons jouant à cache-cache dans les pots de géraniums ? Et vous pensez "Forcément". Que nenni : pour 2014, j'ai choisi des vieilles voitures...

jeudi 19 septembre 2013

Mes nuits avec mes ennemies


L'été a basculé dans l'automne et avec la fraîcheur apparaissent les premières (grosses) araignées. Elles replient leur transat, rangent leurs vêtements légers et se faufilent dans les habitations pour y chercher quelques degrés supplémentaires. Leur compagnie est discrète : elles se déplacent sans bruit et n'élèvent jamais la voix.
Souvent elles établissent leur campement domestique dès fin août. Mais c'est seulement hier qu'elles ont fait leur apparition dans ma chambre. Car elles étaient deux, oui ! Si je ne peux réprimer un sursaut à leur vue, il est hors de question pour moi de leur faire du mal. Elles sont plus impressionnantes que méchantes. L'une se tenait sur le mur, au-dessus des doubles-rideaux, l'autre était arrimée au plafond, pas à l’aplomb de mon lit heureusement. J'étais ainsi en compagnie de trois grosses bêtes noires, puisque Lara dormait sur le canapé. Ma hantise : qu'un de ces arachnides (à l'exclusion de Lara, qui ne se déplace jamais au plafond) ne tombe sur moi pendant mon sommeil et n'entreprenne de me chatouiller la figure. J'ai peur de me réveiller prisonnière d'une toile gluante, incapable de m'en dépêtrer, apprêtée pour le petit-déjeuner de ces animaux. Comme l'infortuné Frodon dans Le Seigneur des Anneaux. Cependant nulle visiteuse nocturne n'est venue escalader mon oreiller. Au matin les deux monstres avaient disparu : je me demande où ils se planquent dans la journée.
Avec l'automne je retrouve aussi les effluves enveloppants et nostalgiques de L'Heure Bleue. Les années n'ont pas altéré sa magie. Je ne m'en lasse pas. La maison ne reculant devant aucun sacrifice, je m'en octroie deux ou trois pschitts de manière quasi rituelle le soir avant de me coucher. Contrairement aux araignées, mon parfum est encore là le matin. Peut-être a-t-il un effet répulsif sur ces bestioles ? Peut-être sont-elles réfractaires à l'art de Jacques Guerlain ? Je me réserve le droit de manifester mon désaccord mais ne leur en veux pas... Pas du tout !
Ceci m'amène à la grande question : quel parfum vais-je porter, outre L'Heure Bleue, cette saison ? J'ai senti quelques "sorties" parfumées de cette rentrée. Rien qui me convainque. Une "livraison" dont la banalité m'attriste. La seule mouillette que j'ai gardée dans ma poche est celle où j'avais vaporisé Vol de Nuit, l'octogénaire encore bien sémillant et qui n'a pas fini de distiller ses mystères. Mais il n'aime pas le froid. Non, je rêve à un Lutens : Rose de Nuit (encore un nom nocturne), une rose chyprée, musquée, aldéhydée, sombre, "sale", diraient les spécialistes. J'en ai une concrète (ou à présent ce qu'il en reste). Je ne suis pas très "rose" mais celle-ci m'a séduite à pas de loup. Pas attrayante au premier abord, mais vite enivrante, addictive une fois révélés ses charmes cachés. On est dans un sous-bois tapissé de mousse humide. Une faunesse est passée par là - ou une femme sauvage, à demi nue, à demi vêtue de peaux aux relents âcres et pourtant doux. Elle sème sur ses pas des pétales odorants. Rose, ô pure contradiction, volupté de n'être le sommeil de personne sous tant de paupières, s'exclame Rilke, mais sa voix se fêle et le vers s'achève dans un murmure.
Pour l'instant c'est un vœu pieux. Si je peux me procurer un jour ce jus dans son flacon-cloche, j'espère qu'il saura me rassurer et aura le même effet que L'Heure Bleue sur les araignées d'automne. Qui sont des petites bêtes frileuses. Comme moi.

Illustration : sculpture de Louise Bourgeois.

dimanche 28 juillet 2013

Vingt-quatre ans d'amour



Sables, c'est vingt-quatre ans d'amour aujourd'hui. Ça se fête. Je le fête tous les ans.
Par l'intermédiaire d'un ancien prof (j'avais en commun avec lui des origines slaves, et son père, à Grasse, était "dans" le parfum), j'avais passé une partie de la journée chez Quest International à Neuilly, important producteur de fragrances et d'arômes, et je m'étais gorgée de connaissances à la source même, auprès de ceux qui, de l'assistante de direction au big boss en passant par l'un des "nez" maison (Maurice Roucel en personne si j'ai bonne mémoire), détenaient le secret de la conception et la fabrication des parfums. J'avais été traitée comme une hôte de marque, découvrant même le dernier Guerlain avant son lancement, Samsara.
Les secrets étaient restés secrets, mais ces quelques heures avaient été très enrichissantes. Invitée par la maison, j'avais déjeuné avec la charmante assistante de direction, Odile. Nous avions évoqué les marques "de niche" (à l'époque on disait plutôt "confidentielles"), en parfums et en maquillage. A 16 heures j'avais, grisée et la curiosité attisée, repris mon bus vers mon hôtel parisien. Et, une fois arrivée à destination, entraîné ma mère vers les Galeries Lafayette, bille en tête. Je devais sentir ou re-sentir les Goutal. Oh, je les connaissais déjà un peu, j'avais porté Folavril (aujourd’hui supprimé du catalogue, quel dommage !). Un pschitt de Sables sur le bras m'avait immédiatement conquise. C'était LA rencontre. C'était le début d'un grand amour. Et j'avais quitté le grand magasin avec un petit atomiseur dans un sac beige et or. Je l'ai encore.
Depuis, les années se sont succédé, et les flacons de Sables aussi. Nous nous retrouvons dès les beaux jours. Inutile de préciser que cette année les retrouvailles furent fort tardives.


Cette année aussi Goutal a changé ses emballages (je refuse "packaging"). Le cartonnage est plus élaboré, plus luxueux tout en restant sobre, dans le "bon ton" maison. Je m'en bats l’œil peu me chaut. Mais me semble-t-il le jus a changé aussi. D'où vient cette infirme bouffée citronnée dont je mettrais ma main au feu qu'elle ne s'y trouvait pas auparavant ? Cette note goudronnée et ce musc, en fond, accentués ? "Mon" Sables se serait-il masculinisé, lui l’androgyne, pour moins dérouter une clientèle potentielle ? Si mon nez et ma mémoire ne me leurrent pas (et j'en doute, car je le connais trop bien), j'en suis triste... Mais je le porte quand même : il est toujours mon parfum d'été, et je ne peux imaginer les beaux jours sans lui, sans les souvenirs que m'apporte selon les jours chaque bouffée. Il est le message et le messager, celui qui me chuchote à l'oreille les heures de ma jeunesse.


Quest International a été racheté par son concurrent Givaudan en 2005. Exit Quest, nid pour moi de mémoire olfactive...
Mon premier flacon de Sables est en bas droite sur la première photo.

mardi 21 mai 2013

Boris - une liturgie peu orthodoxe

Boris, le "Bô" au pelage bleu, fidèle de mes pages, s'en est allé. Une insuffisance rénale a eu raison de lui. Il avait sept ans et demi.
A la disparition d'un de mes chats, mon premier réflexe est de me précipiter sur les quelques poignées de photos que le disque dur a soigneusement engrangées, comme pour empêcher son image de fuir, et passer encore un peu de temps, seule à seul, avec lui. C'est mieux "à chaud". Plus tard, on ne peut plus regarder les photos : on pleure. On essaie dans le même temps de se remémorer tous les Boris célèbres. Voyons, Eltsine, Johnson, Vian, Karloff, Cyrulnik, Pasternak, bien sûr, Akounine, Becker, si l'on veut, comme si les énumérer restituait par petites touches la présence du "Bô".
Boris était l'avant-dernier des chats nés chez moi, l'avant-dernier représentant de la lignée d'Andelle, cette prolifique Médée qui elle non plus n'est plus là. Bosco, son cadet de deux ans, fait à présent figure de derniers des Mohicans. Il porte là un lourd et précieux héritage.
Cette fois-là, Andelle avait mis bas dans la garde-robe de ma mère, bien à l'abri. Le nom du chaton avait-il quelque rapport avec la couleur de son pelage que les spécialistes qualifient, dans leur jargon, de bleue ? Je ne crois pas. Ce fut pure contingence - à moins que l'inconscient n'ait parlé. Ses origines slaves imaginaires en faisaient un lointain parent. Visiteurs et passants s'extasiaient sur ces yeux d'émeraude et cette robe aux tons de fumée, affublant leur propriétaire de "Chartreux" ou de "Bleu russe". Boris devint slave malgré lui. Je lui répétais : "Boris, tu pris de beaux risques en te faisant passer pour un beau Russe". Il n'en avait cure.
Il aimait, le soir, se coucher sur la table. La tête posée plus bas que le corps, ce dernier s’étalant sur un dictionnaire ou une pile de journaux. Cette position lui avait valu le surnom de Catoblépas, d'après l'animal mythique doté d'un cou si long que sa tête reposait sur le sol, le contraignant à regarder hommes et bêtes par en-dessous. D'où son nom, en grec. Il signifie "qui regarde vers le bas". Alors que ça devrait être le contraire. Rien à voir, malgré les apparences, avec un "cat" quelconque. Les Anciens affirment que celui qui croisait le regard du Catoblépas mourait sur-le-champ. Celui qui croisait le regard de Boris plongeait dans deux lacs purs, vert bleuté, ne reflétant que tendresse et innocence. Il appréciait aussi les appuis de fenêtre, celui de mon bureau en particulier. Il se cachait derrière le double rideau, comme un sicaire prêt à fondre eustache levé sur quelque vieux rentier aussi radin qu'égrotant. Mais Boris ne fondait sur personne. Il aimait le calme. Aussi je prenais garde à ne pas le déranger derrière sa tenture.
Il m'arrive souvent, le soir toujours, de prendre un petit expresso décaféiné. Boris le savait, qui guettait l'arrivée sur le plateau de la bouteille de lait. Il n'avait de cesse que j'en verse un fond dans la tasse mauve un peu rustique qui lui était réservée. Et il se régalait.
Le jours de pluie, il se couchait en rond sur mon bureau. Seul un furtif remuement de papier m'indiquait par instant sa présence. Une présence de chat, discrète et pourtant intense. Des conditions de travail, de lecture ou de réflexion, idéales.
J'ose à peine vous livrer, front bas et rouge aux joues, une anecdote qui me fait honte. Voici quelques années, Boris fut en mon absence prisonnier trois jours de ma garde-robe, dans l'espace ménagé entre deux planches. D'où venait ce bruit bizarre, à mon retour, dans ma chambre ? On eût dit un grattement, ou un appel inarticulé, étouffé... J'eus un peu peur, oui... J'ouvre la porte... et découvre un Boris étonné, un peu ahuri, un peu ankylosé, peut-être, le nez à moitié pelé de s'être frotté en vain aux cloisons de bois. Il avait vécu ainsi sans boire ni manger... ni bouger, son cachot étant de dimensions réduites, rendues plus exiguës encore par des chaussures et des sacs entassés pêle-mêle. Il s'était laissé enfermer avant mon départ. Le "pis" était qu'il semblait heureux, pour ne pas dire joyeux comme tout de me voir et ne manifestait pas la moindre trace de ressentiment à mon égard, moi sa geôlière ! Son bourreau ! Boris eut droit ce soir-là aux meilleurs petits plats, aux câlins les plus tendres. Je m'en suis bien sûr énormément voulu. Je m'en veux encore. Et je prends soin de procéder à l'appel avant de quitter la maison pour quelques jours.
Boris était aussi Raminagroboris, Cousin Boris de Moscou et, tout simplement, le Bô.
Je me souviens du jour où Mascaret s'est endormi. Je rentrais sans lui, accablée. Ce jour-là Boris a accouru sur le trottoir en miaulant fortement pour m'accueillir à ma descente de voiture, comme pour me dire "Je sais et je suis là", et me consoler.
Boris, mon Petit Homme Gris venu de l'espace, est parti. Il repose dans son jardin. Il nous manque. Il ne viendra plus chercher son lait du soir, et la tasse mauve restera vide.

En attendant l'album souvenirs... :

Boris, bureaucat
Boris, vrai Bleu russe 
Brassage d'air (propos au tonneau)

lundi 20 mai 2013

Jubilé : la fête à Lara


L'an dernier, c'était celui, en grande pompe, de la Reine d’Angleterre. Cette année, c'est celui de Lara. Je parle, bien sûr, de jubilé. Mai 1999 - mai 2013. Je fête ce mois-ci les quatorze ans de l'arrivée de la "Très-Belle".
Lara, vous la connaissez. La voici sur le velours sanguine de mon pantalon. Je vous en avais déjà parlé, plus spécialement ici. Il était alors question de onze ans d'amour. Le temps a passé. Je la revois, voici quatorze ans, dans le jardin, à quelques pas de la maison, me fixant de ses yeux ronds, un peu saillants (comme ceux, vous ne l'ignorez plus, de la chanteuse belge à qui elle doit son nom, la pauvre), traversés de sentiments indéfinissables. Elle m'adressait un message subliminal. Elle savait. Elle avait choisi. Les points d'interrogation dans son regard n'étaient que question rhétorique. Oui, elle s'installerait ici, oui, elle resterait. Elle est toujours là, un peu plus maigre, peut-être. Toujours dynamique et joueuse, elle pique presque quotidiennement ses "crises de chat" qui l'entraînent dans un tourbillon vers le sommet des armoires et du buffet. Autoritaire, elle intervient dans les bagarres de matous pour séparer et tancer les pugilistes. Elle reste fidèle à elle-même.
Pour ce jubilé, point de réceptions fastueuses, point de parade fluviale (à quoi bon : il pleut) au programme. Mais un redoublement de câlins, de caresses, de baisers et de douceurs en pochons au prix du béluga. Moins royalement qu'outre-Manche, mais avec autant sinon plus de ferveur, c'est lampions, pétards et cotillons. C'est la fête à Lara ! Et je le lui chante sur tous les tons. Elle est bien la Reine des Chats !
On ne sait pas très bien quel âge a le Chat Noir. Dix-sept, dix-huit ans ? Plus ? Elle a en tout cas été nommée Doyenne de la Faculté. Il nous faut accepter que nous ne connaîtrons jamais certaines choses. Les chats sont très doués pour les secrets. Et les leçons de vie. Le chat est mystère. L'âge importe peu. Un an de plus ou de moins n'enlève rien à l'amour que nous portons au Tarsier Noir.
Dix-sept, dix-huit ans, c'est, à l'échelle humaine, un âge avancé. Peut-être a-t-elle servi de modèle à Steinlen pour ses fameuses affiches du Chat Noir et à Henry Cany, illustrateur attitré de la marque Marchal, pour imaginer sa face de chat emblématique. (Comme toute femme - et tout homme ! - Lara va me tenir rancune de la vieillir, là...) La Très-Belle a d'ailleurs, dans un photomontage-hommage, prêté ses yeux à Marchal, qui fête cette année son quatre-vingt-dixième anniversaire. Pour sa ressemblance avec le Matou aux yeux phosphorescents, elle est l'égérie honorifique de l'équipementier automobile à l'occasion de cette célébration.



Pour tout cela, Très-Belle méritait bien notre admiration et nos témoignages d'amour. Il fait froid, il pleut, il vente. Mais quel que soit le temps, le mois de mai est le mois de Lara.

Pour terminer, une superbe chanson interprétée par son homonyme Lara Fabian et Maurane, peut-être ?

dimanche 14 avril 2013

Régime carnet


A Stéphane J.

C'est vrai qu'ils sont beaux, et même magnifiques. Depuis une dizaine de minutes, je passe et repasse devant eux, les touche, les ouvre avant de m'en éloigner comme si j'étais retenue par une force invisible.
Je réfléchis, soupèse... Mon sac pèse un âne mort. Mais bon, un sac trop lourd n'est pas un argument recevable : on y trimballe des objets bien moins utiles et plus pondéreux. Seul le dos y trouve à redire (c'est déjà beaucoup, mais...).
Comme souvent à mon habitude, je repars les mains vides, non sans les avoir photographiés avec mon téléphone. Je poste une photo sur Facebook, comme pour les contempler encore et me donner le temps de réfléchir. Un de mes plus fidèles clients s'extasie. Comment ai-je pu ne pas craquer ? Il est féru d'écriture et de tout ce qui tourne autour de cette activité. Des objets hautement indispensables.
Prise de remords, je retourne au magasin deux ou trois jours plus tard. Ouf, ils sont toujours là ! Il y a le petit et le grand modèle. Le dilemme est vite résolu : j'en achète un et ma mère m'offre l'autre. Un pour le sac, un pour le bureau. Leur simple possession me met en joie. Mais je me dis quand même "Que vais-je en faire ?".


Ces objets du désir, ce sont des carnets. Des carnets "à tout", au papier ligné champagne. C'est leur apparence qui m'a séduite : leur couverture s'ornent de chats stylisés. Elle décline les bleus, les roses et les ors irisés. Un rabat aimanté permet d'en assurer l'herméticité. Je me dis que Laurel Burch, l'artiste américaine dont l'imagination a produit ces merveilleuses dessins teintés de poésie et spiritualité, devait beaucoup aimer les chats.




Peu à peu, j'imagine des destinations : inscrire le nom d'un rouge à lèvres ou le titre d'un livre. Griffonner un numéro de téléphone. Noter au vol l'idée, la phrase avant qu'elles ne s'échappent irrémédiablement, glisser la fleur cueillie au jardin ou au bord du sentier, ou encore, pliées en deux, des "touches" parfumées récoltées dans une parfumerie.
Merci, Stéphane. Vos propos ont fait leur chemin en moi et m'ont permis de vaincre mes faibles et vaines réticences...
Creusets, pépinières, couveuses où l'on jette pêle-mêle fragments insignifiants et trésors, ces carnets sont, sous leur forme compacte, des espaces de liberté infinis qu'on emmène partout avec soi, de précieux partenaires qui prolongent l’œil, la main et l'esprit. Liberté, oui, parce sur leurs pages vierges, qui se déploient comme des ailes, peuvent s'écrire tour à tour passé, présent et avenir.


J'ai trouvé ces carnets dans un Espace Culturel Leclerc.
On peut se les procurer ici.

mardi 5 mars 2013

Du courrier de Norvège


Une enveloppe portant en capitales le tampon NORGE a atterri dans ma boîte aux lettres voici quelques jours. Je ne connais personne en Norvège susceptible de m'écrire. La suscription n'est même pas rédigée en runes : ça manque d'exotisme et je suis déçue.
La Norvège a une résonance particulière pour moi : c'est le pays de Garance, la Fée. Intriguée, je décachette le courrier. Je découvre des invitations aux vernissages de l'exposition "Prenez soin de vous" de Sophie Calle, à Lillehammer et Stavanger. Décidément, Sophie Calle et moi, c'est une longue histoire !
Un jour de janvier, voici quelques années, je reçois un coup de fil. Mon interlocutrice se présente : Sophie Calle. Si je ne la connais pas, je peux faire une rechercher sur le Net, elle y figure. De fait, et le rouge de la honte me monte au front de l'avouer, je n'ai jamais entendu parler de celle qui apparaît, à travers la Toile, comme une icône de l'art contemporain. Elle m'explique le but de son appel : participer à une œuvre, un projet qu'elle présentera l'année suivante à la Biennale de Venise.
Il s'agit de répondre à un e-mail de rupture adressé par son amant à une femme. Elle. Elle me demande de tenir mon rôle, celui d'écrivain public, et de fournir une prestation "normale" à une cliente "normale" qui me réglera "normalement". Bref, de faire comme d'habitude. Elle me laisse le champ libre : "Vous pouvez écrire trois lignes ou quinze pages, c'est votre travail, faites comme bon vous semble". C'est à la professionnelle qu'elle s'adresse. Pourquoi moi, alors que pas mal d'écrivains publics possèdent leur vitrine virtuelle ? Elle m'a choisie au hasard de sa navigation. C'est peut-être vrai.
Elle m'envoie l'e-mail qui doit servir de point de départ à mon travail. Il s'achève par la phrase "Prenez-soin de vous". "Je n'ai pas su quoi répondre", avoue/prétend Sophie Calle. C'est pourquoi elle sollicite d'autres femmes - pas moins de cent sept - pour répondre à sa place. De nombreux métiers sont représentés à travers des stars ou des inconnues (je n'aime pas "anonymes". Il n'y a pas d'anonymes. "Inconnues" est un pis-aller. Cela me rappelle la phrase de Francis Picabia : "Il n'y a pas d'inconnus, excepté pour moi".) Le monde du cinéma fournit Jeanne Moreau, Catherine Deneuve... La radio, Macha Béranger. On dénombre aussi une commissaire de police, chargée de relever les motifs de mise en garde à vue du monsieur, une clown, une correctrice qui va traquer les fautes, une psychiatre qui décèlera dans le texte les troubles de la personnalité éventuels du scripteur, une chanteuse... Je suis parmi ces femmes. On compte enfin... des perroquets (femelles), pour la dérision. C'est la façon de Sophie Calle de répondre à cet e-mail.
Ma réponse d'écrivain public consistera en une quinzaine de lignes manuscrites que l'artiste signera. Elle a fait sien le texte que je lui ai adressé. J'ai répondu de la façon qui me semblait la plus "appropriée". Mais il aurait pu y avoir dix mille lettres différentes, et elles auraient pu toutes se valoir. C'est ce que je me dis. L'aléatoire fait partie du projet.
Seconde étape : la photo de l'"intervenante", demandée par Sophie Calle. Les clichés de toutes ces femmes feront partie de l'expo. Ce qui exige, pour moi, un déplacement en banlieue parisienne.
TGV, métro. Je me rends chez l'artiste, en me demandant à quelle sauce je vais être mangée. Elle est assez surprise que je reconnaisse son parfum. Les prises de vue se déroulent hors de chez elle, en particulier dans une station de métro proche, dont l'intérieur ressemble à un aquarium aux parois cyan, décor abstrait propre à dérouter le spectateur. C'est une de ces photos baignées de bleu - silhouettes plongées un espace géométrique azur au cœur du cadre urbain - qui est choisie pour la Biennale de Venise, pour l'exposition itinérante et pour l'ouvrage qui en est tiré. Elle figurera également dans une revue d'art, aux côtés de Jeanne Moreau...


Cette incursion dans le monde clos de l'art contemporain se termine par un petit tour dans la capitale : sandwich chez Paul (les Parisiens ou plutôt les Parisiennes sont en veine de parlottes ce jour-là car je fais pas moins de deux causettes avec des dames fort sympathiques) et café en terrasse place de la Madeleine. J'achète deux rouges à lèvres chez Mac, aux Galeries. Moments bienheureux de liberté. Je savoure l'air de Paris. Mais il faut songer à prendre le RER qui m'amènera Gare du Nord...
En 2007, j'ai été invitée à la Biennale de Venise et à la soirée donnée par Pierre Cardin dans son palazzo. Je n'y suis pas allée, bien sûr. Je n'avais rien à me mettre.
Plus de cinq ans après l'événement, l'exposition parcourt encore le monde, et je reçois des invitations de France, du Canada, des États-Unis, de Finlande... de tous les continents. Elle continue à vivre.
Je repense parfois à cette étrange expérience, à cette brève rencontre avec une artiste en vue. Comment un petit écrivain public de province peut se retrouver propulsé au cœur d'une aventure inattendue. Comment peut-il rester fixé à jamais dans une œuvre polymorphe, polyphonique, à l'égal de grandes de ce monde...
Et, comme un boomerang, l'appel, cette fois, vient de Norvège...


mercredi 13 février 2013

Valou, l'(ex-) inconnu du 13 février


Voici un an tout juste aujourd'hui, à la veille de la Saint-Valentin, deux semaines après le départ de "mon Bébert", un bel inconnu faisait sa première apparition dans le jardin.
C'est un grand chat, de belle allure, fortement charpenté. Signe particulier : une tache noire triangulaire légèrement décalée sur le nez. Chose rare pour un matou, il est tricolore : outre du noir et du blanc, son pelage comporte un peu de beige et ses pommettes et l'extrémité de ses pattes semblent avoir été rehaussées à la poudre bronzante. Pour ne pas le laisser à l'anonymat, je lui cherche un nom, en référence à la Saint-Valentin bien sûr. Ce sera Valou.
Une gamelle de pâtée ou de croquettes est déposée pour lui tous les jours au pied du muret qui sépare la cour du jardin. L'animal est affamé. Mais il ne se laisse pas approcher et s'enfuit dès que l'on fait un pas vers lui, accompagné de paroles apaisantes.
Parfois Valou disparaît pendant plusieurs jours et je m'inquiète. Il fait à présent partie de l'environnement. A-t-il choisi, dans son errance, un autre asile ? Puis je le retrouve sur le toit de la cabane à outils du voisin. Il semble toujours aussi peu désireux de contacts humains. Il lui arrive de se faufiler dans la cuisine pour terminer les restes de ses congénères mais il file au moindre bruit de voix.
Les mois passent. Et puis début mai les choses évoluent. Alors qu'il réagissait par grognements et fuite dès qu'on tentait de l'effleurer, Valou se laisse caresser le dos. Premier baiser sur le bout du nez (il n'aime pas trop ça), premières photos... il s'installe à la maison, après trois mois de travaux d'approche mutuels !
Il est encore dans un triste état : côtes apparentes, ventre gonflé, robe par endroit pelée... Ce chat a souffert de carences, souffert tout court, il a été négligé, livré à lui-même. Après quelques semaines d'alimentation équilibrée, de soins et de caresses, c'est un tout autre Valou qui se révèle : il a pris du poids, son pelage est lisse et dru, il se déplace avec une assurance royale. Comme tout bon félin, attaché à son confort, il a choisi les meilleurs endroits pour s'établir : canapé, genoux et même... épaules et dos humains, à l'instar de Mascaret. Qui aurait imaginé ce scénario, voici un an ?
Parfois je lui chantonne, sur l'air du Chameau :

Ali ! Alou ! Et vive le Valou !
Voyez comme il trotte !
Ali ! Alou ! Et vive le Valou !
Voyez comme il est doux !

sans que cette comptine revisitée ait l'air de beaucoup l'émouvoir... Valou m'a en tout cas permis de la redécouvrir, par le truchement des Quatre Barbus !
D'un naturel plutôt paisible, il ne faut cependant pas le "chercher" : il a alors tendance à distribuer prestement des tapes sur les arrière-trains de ses frères et sœurs. Mais un peu d'autorité ne messied pas à un matou de son gabarit...
D'où vient-il ? Quel âge a-t-il ? Il gardera ses mystères. Comme tous les chats...
Eh oui, Valou, l'inconnu du 13 février, est chez lui. Je le surnomme le Béluga (il pèse tout de même 5,6 kg !), Valouga, Vaval (comme le Roi du Carnaval de Cayenne) et Valou de la Valousie. Il a pris le temps, est arrivé à pattes de velours... mais l'attendre en valait la peine.



dimanche 10 février 2013

Les envies

 Ma bergerie virtuelle... et artistique !

Alors que je me demande si j'aurai ma propre Chambre Normande un jour, j'ai eu envie, après mes regrets, de vous parler de mes... envies. Je vous avais pourtant assurés de ne poster qu'une seule et unique liste, cet exercice n'étant pas dans mes habitudes, mais voilà, comme pour faire contrepoids, ce sujet s'est invité, imposé, devrais-je même dire, et a exigé le droit de parole.
Une envie, c'est ce qui nous projette dans l'avenir, nous aide à avancer, à nous défaire de nos regrets, à faire le deuil de nos deuils. C'est peut-être une manifestation de l'instinct de survie mais aussi, si je puis ainsi m'exprimer, un symptôme de bonne santé et de vitalité. Cependant, il est plus facile de parler des regrets que des envies parce que, si les regrets sont acquis, les envies, on n'est jamais sûr de les réaliser. Au moins les regrets on les connaît à fond, on les côtoie (presque) tous les jours, ils nous accompagnent, s'accrochent à nous comme des morpions. L'envie comporte une notion d'immédiateté qui sous-entend sa prompte satisfaction, mais je puis me tromper, tandis que les regrets ont une fâcheuse tendance à s'installer "confortablement", en tout cas durablement, dans nos mémoires. Et puis ils "se tiennent" et forment un groupe cohérent, qui se serre les coudes, tandis que les envies, elles, peuvent être fluctuantes et contradictoires. Sans compter qu'elles en révèlent sans doute beaucoup plus nous.
Ajoutons qu'il faut distinguer l'envie du projet, du souhait, du fantasme, du rêve, le passager du durable, le futile de l'indispensable, le possible de l'utopique. Ce qui demande du discernement et, parfois, du temps. C'est tout un art.
Bref, il s’agit en gros de faire le grand écart entre ce qu'on n'a plus et ce qu'on n'a pas (encore, peut-être). Sans que ça ressemble à un déballage.

Are you ready ?

J'ai envie de :

- Filer à Paris pour visiter l'exposition "Autour du Chat Noir, arts et plaisirs à Montmartre 1880 - 1910" au Musée de Montmartre. Elle devait s'achever le 13 janvier mais a été prolongée jusqu’au 2 juin. Une bénédiction pour les amoureux des chats et de la Belle Époque. Envie de me plonger, au travers de souvenirs bien concrets, dans l'effervescence intellectuelle et artistique et l’esprit libertaire qui régnaient sur le fameux cabaret. Une expédition parisienne était prévue le mois dernier, mais les manifestations de taxis puis les conditions météo se sont mises en travers de mon chemin. Et puis le travail, et d'autres choses. Mais pas question de renoncer à ce rendez-vous avec la vie montmartroise de jadis ! Et d’aujourd’hui !

- Dans la foulée, un braquage petit tour aux Salons du Palais-Royal pour en ressortir avec deux-trois jus en flacon-cloche. Je sais déjà lesquels. Mais le banquier risque de ne pas apprécier ces folies. Alors je serai sage et me contenterai d'un seul parfum. Je sais lequel.
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 - Une Alfa Romeo Mito. Parce que "Alfa un jour, Alfa toujours".

- Une plaque publicitaire Marchal d'époque. Celle que je n'ai jamais trouvée ou plutôt que j'ai vue en ligne, hors de prix.

- Un macaron à la pistache. En grand modèle. Pour moi toute seule.

- Une croisière sur l'Express Côtier. Ou, plus largement, découvrir la Norvège.

- Un foulard Christian Lacroix.

 Hmm, quelques grammes de soie autour du cou (alors que je ne suis pas très foulard)...

- Un ou des moutons. Parce que j'aime les moutons. Et les brebis. Mais les seuls que je possède pour le moment sont en bois et signés du peintre normand Dominique Nourry. A quand un troupeau (même à la rigueur un troupeau composé d'un mouton) et une houlette ?

- Quelques œuvres de Nourry, justement, pour alimenter ma "collection".

- Reprendre un "régime de croisière" dans mes escapades, quelque peu laissées de côté ces temps-ci. Paris, Saint-Malo, le Val de Loire... Retrouver des lieux chers, découvrir des lieux inconnus, choisir d'autres ailleurs.

- Un dîner en tête à tête avec Mark Harmon, qui est bien l'homme le plus sexy du petit écran.

- Visiter L.A.. Compatible avec ce qui précède.

- Un nouveau job, ailleurs. Paris, Rouen ? Oui, l'écrivain public souhaite tirer sa révérence, le temps d'achever les travaux en cours (et peut-être de concrétiser un projet), quitter sa petite ville qu'elle n'aime guère et trouver "la sécurité de l'emploi". Pour faire quoi ? Assistante d'un vieux savant ou d'un écrivain (je pense à Nelly et M. Arnaud), rédactrice ? Bergère, en ville, ça risque d'être difficile...
Avis aux patrons potentiels...

- Rencontrer autour d'un café ou d'un thé quelques fidèles visiteuses et visiteurs de mon blog. Une excellente raison de bouger !

- Me faire couper (un peu) les cheveux. Histoire de ressembler à quelque chose avant ces éventuelles rencontres ?


Bon, j'arrête là ! Avant que cette énumération ne devienne fastidieuse et parce qu'il faut bien un peu de temps pour faire décanter ces souhaits - mais pas trop.

Quand on y réfléchit, on se dit que les envies ne surgissent pas ex nihilo, ni par hasard, elles s'enracinent dans nos souvenirs, dans notre histoire. Quand bien même on désire changer de coiffure, de téléphone ou de parfum, soi-même on ne change pas. La continuité est là, même si parfois elle s'opère par... saccades. Ou par tâtonnements. Quand enfin on tourne certaines pages.

Alors, envies, espoirs, projets, rêves ? Les semaines, les mois à venir en décideront. Et si leur réalisation ne dépend pas que de moi, je me réserve le droit de raturer ou compléter ma liste. Le premier désir, c'est le désir de liberté.

Illustration : site Madame Dutilleul.


lundi 28 janvier 2013

Le Hardi grimpe toujours deux fois


C'est une des dernières paroles que j'ai murmurées à son oreille, avant qu'il ne s'endorme. La formule venait de me jaillir à l'esprit, je ne sais pas pourquoi, ni qui avait bien pu me la "souffler", alors qu'il vivait ses derniers moments. Je lui ai chuchoté aussi la plupart des petits mots doux et des "mantras" que je ne destinais qu'à lui.
Il y a un an aujourd'hui, Mascaret, le Hardi Grimpeur, grimpait hardiment au Paradis des Chats.
"Mon Bébert" ne méritait pas cette fin douloureuse entre des mains brutales, indifférentes, pour ne pas dire cyniques.
Je suis sortie de la clinique vétérinaire sans lui. Les cloches de l'église sonnaient. Il était midi. Depuis le son des cloches me rappelle toujours ce moment où un peu de moi est parti avec lui.
Mascaret, "Mascar le Lascar", si beau, si vivant, si aimant...
Le 28 janvier restera un jour noir.

lundi 14 janvier 2013

Donna et mobile

La petite robe imprimée...

Un saut à Lille, quelques jours avant Noël, selon une sorte de tradition. Mais l'ambiance ne reflète pas particulièrement la joie de vivre et l'insouciance malgré l’approche des fêtes. Gens pressés et stressés, du monde dans les magasins... On se croirait un samedi des plus banals. Déjeuner à La Chicorée et léchage de vitrines. Je passe devant la boutique René Dérhy, où je n'ai jamais mis les pieds. Elle ferme à la fin de l'année et liquide son stock. Je trouve toujours ce genre d’événement un peu triste. La diversité n'a plus son mot à dire, la place est à l'uniformisation...
J'ai beaucoup porté cette marque... à l'adolescence ! Ils font encore de très jolies choses. Un peu curieuse, j'entre dans la boutique. Tout est en effet soldé, voire bradé. Je me dirige vers un portant qui affiche le panneau "70 %". Une robe au premier plan a attiré mon attention. Imprimé aux tons d'automne, tabac et gris fumé, drapé, fronces asymétriques, épaules soulignées d'un galon perlé qui reste discret... Je décroche le cintre et me glisse dans une cabine. La robe est nickel, ce que me confirme une vendeuse (mais bon, ne sont-elles pas là pour ça ?). Mes bottes ornées de clous lui donnent un air décontracté. Elle sera plus habillée avec des bottines à talons de dix centimètres. Un vêtement qui me plaît et me va (et puis je porte si rarement des robes) à un prix "dérhysoire"... je me laisse tenter.
J'ai prévu quelques courses à Monop. A l'entrée du magasin me vient un doute : qu'ai-je fait de mon téléphone ? Voilà bien longtemps qu'il ne s'est pas manifesté... J'ouvre mon sac et commence à chercher d'une main. Pas de mobile en vue. Il faut avouer que la visibilité, dans ce vaste foutoir chaos, est réduite. Je commence à perdre patience. Au rayon crèmerie, où se trouve notamment le cottage cheese, c'est en trop. Les grandes mesures s'imposent.
Imaginez la scène : accroupie devant mon sac posé par terre, en train de retourner frénétiquement son contenu, avec pour témoins des yaourts et des pots de fromage blanc. Personne en vue, heureusement. Mais je vais finir par attirer l'attention d'un vigile. Ces maudits sacs trop grands, bourrés de poches mais où tout se mélange et se perd quand même ! En désespoir de cause je décide de revenir à mon dernier point d'arrêt, la boutique Dérhy. Je me vois déjà entreprendre les démarches pour bloquer ma carte SIM, déclarer le vol ou la perte... Les vendeuses - adorables - cherchent dans la cabine : pas de téléphone. Une cliente a peut-être embarqué l'objet ? Je demande à la jeune femme qui tient la caisse de composer mon numéro. J'entends alors retentir du tréfonds des entrailles de mon sac la chanson Pet Sematary des Ramones. Ma sonnerie. Le téléphone est là ! Le localiser est une autre paire de manches. Je remercie les filles et vais m'installer dans un café où j'entreprends une fouille systématique. Ou plutôt un déballage en règle. Il me faut plusieurs minutes avant de mettre la main sur l'engin. Il semble me narguer, comme heureux de m'avoir joué un bon tour. Il a même des messages pour moi. Je le cale dans un coin d'où il ne devrait pas bouger. En principe.
Mais après tout mon téléphone n'y est pour rien. Je peste contre mon sac. J'en ai un autre, noir, bien plus pratique avec ses poches à glissière sur le devant. Cependant, flemme ou force de l'habitude, je n'ai toujours pas opéré le transfert. Cette semaine, c'est promis !

jeudi 10 janvier 2013

Les regrets


On entame l'année, The Normand Bedroom a cinq ans... Serait-ce l'occasion de faire un petit point/une petite pause ? La nostalgie est rarement absente de mes billets. Comme le disait Paracelse, "Rien n'est poison, tout est poison, seule la dose est poison". Il en va de même pour ce sentiment. J'ai pourtant fait un grand effort dans le domaine parfumé en me lançant avec courage et audace dans les bras, pardon, dans les manches, de La Petite Robe Noire. Comme dans une volonté de me libérer, de tourner une page, de ne pas traîner les boulets du passé, chaînes aux chevilles.
Il est cependant des pages si lourdes à tourner qu'on se demande si elles ne sont pas ensorcelées. Ou si on a bien les biceps qu'il faut. Ou encore si on a vraiment envie de les tourner.
Aussi j'ai eu envie de parler de mes regrets. Nous en avons tous. Histoire de voir, aussi, si je les retrouverais à la fin de l'année, dans le même ordre et dans le même état d'acuité. Car ils ont vocation à s'estomper, sous peine de vous pourrir la vie. J'ai longtemps cru à l'effet cathartique (non, ça ne concerne pas les chats qui vivent au Pôle Nord) de l'écriture. Mais, pour paraphraser Valéry, qui affirmait qu'il faut beaucoup d'ignorance pour vivre, je pense qu'il faut beaucoup d'ignorance pour écrire. Sans quoi on se condamne à se répéter. A tourner en rond.
Les sages l'ont professé, les poètes l'ont chanté : les regrets sont superflus. N'empêche, on peut, une fois au moins, prendre le temps de les regarder dans les yeux.
Voici donc une liste, première et sans doute dernière du style, établie un peu à la façon de Je me souviens de Georges Perec.

Je regrette :

- Mon Alfa Romeo 145, "la Tine", qui m'a accompagnée quinze ans durant, par monts et par vaux.

- La courtoisie sur la route (genre le camionneur qui du bras vous fait signe que devant la voie est libre, mais attention, pas un pervers criminel comme dans Duel !). Elle est devenue denrée si rare qu'on s'étonne de ses manifestations.

- Les stations-service d'antan et les pompistes.

- Le Chat Marchal.

- Les 2 CV

- L'ancienne version de Vol de Nuit en extrait. Celle avec un fond vanillé-ambré, escamoté depuis par les reformulations.

- Le rouge à lèvres KissKiss "Brun jazzy" de Guerlain, supprimé du catalogue. Une honte !

- Les éclairs à la violette du stand Meert au Printemps de Lille.

- La boutique Garance à Rouen.

- Les vêtements Christian Lacroix.

- L'époque où j'allais à Paris quatre ou cinq fois par an.

- Le temps des Ramones.

- Mes chats disparus, cela va sans dire. 

- Ma vie avant un certain jour de juin 2001 (les circonstances s'étant enchaînées - ou déchaînées, c'est une question de point de vue - , on peut même remonter jusqu'en mai). Mais

Le doigt de la fatalité inscrit, puis ayant fait, 
Poursuit : ni ta pitié, ni ton esprit
Ne sauraient le tenter d'annuler une ligne,
Tes larmes effacer même un seul de ses mots.

- Le temps gâché perdu depuis.

- Une fête de village au cours de laquelle je suis passée derrière le micro pour entonner avec l'orchestre Je cherche fortune autour du Chat Noir. En contradiction avec ce qui précède.

Cette litanie n'est pas exhaustive. Elle est quand même pas mal étoffée.

Les regrets, ce sont ces ombres, celles des rendez-vous manqués, des amis perdus, des choses disparues, des pattes-d'oie qui défilent au pas de l'oie autour de vos yeux, du temps qui passe. Ecrire, est-ce convoquer ces ombres ? J'avais sans doute cette idée en tête en lançant mon blog. Nostalgie, frustration et, chose moins avouable, désir de revanche ont sans nul doute présidé à sa naissance. Désir de partage et de rencontres, aussi, avec des lecteurs lointains.
Tout ça a donné la Chambre Normande. Un travail solitaire, mais un chemin parcouru avec vous.
J'ai inventé le concept du regret constructif, j'en suis fière, et tant pis pour l'oxymore.

Le quatrain est tiré d'un poème d'Edward Fitzgerald.

Billet validé par Chaman, qui a daigné se coucher sur l'épreuve papier (ce que j'ai interprété comme un signe d'approbation).


mardi 8 janvier 2013

Je me suis laissé avoir

La première rencontre a eu lieu fin 2009. J'étais alors en quête d'un nouvel amour. A l'époque on ne le trouvait que dans les boutiques Guerlain. Je m'en étais procuré une fiolette. J'avais décrété d'emblée qu'il n'était pas pour moi, trop férue d'orientaux ambrés. Et puis en parfumerie l'épithète "gourmand" tend à me hérisser. Mais à un moment de son évolution j'ai admiré, prouesse du nez Guerlain Thierry Wasser, l'illusion du "macaron framboise en 3D", hyperréaliste, saisissante.
Ce prétendant avait pour nom La Petite Robe Noire. Mais le rendez-vous a tourné en eau de boudin et j'ai craqué cette année-là pour un Lutens, bien plus proche de ce que j'attends d'un parfum.
Je restais aussi accrochée à mes vieux Guerlain comme une bernique à son rocher. Accrochée au mythe, à l'Histoire, à la nostalgie, bercée par eux. Ces classiques sont une part de moi et m'ont accompagnée, tel L'Heure Bleue, durant plus de la moitié de ma vie. Adopter ce nouveau jus capiteux mais insouciant, dénué d'ancrage affectif et de pouvoir évocateur, eût provoqué pour sûr un conflit de loyauté. Je l'ai rayé de mes tablettes sans regrets.
Et puis un beau jour, au printemps dernier, La Petite Robe Noire a atterri en masse dans les parfumeries lambda. Il semblait s'en être déversé le contenu d'un Beluga sur les rayonnages. Accessible à toutes à présent, mais non sans avoir subi quelques changements. Car je l'ai essayé.
Sensation assez décevante au premier abord. L'effet macaron a disparu, de même que se sont évaporés les accents verts et chyprés qui se manifestaient en toute fin d'évolution et conféraient à la composition un côté intrigant. En quelques mots, en quittant sa tour d'ivoire, il a perdu de sa complexité et de son originalité. A défaut de pâtisserie laduréenne, on retrouve un accord de fruits rouges, cerise noire si l'on en croit le descriptif officiel, confiture de framboise en sus pour moi. Le tout est enrobé par un patchouli présent mais discret, plus rond que terreux. En outre il possède un poli, un arrondi, une cohésion, une qualité d'exécution propres à Guerlain, même s'il n'a rien à voir avec ses illustres ancêtres.
J'ai obtenu un échantillon de cette Petite Robe-là. Le petit contenant de verre a traîné sur la commode dans l'entrée. Il s'en échappait insidieusement des volutes de tabac blond miellé et de foin coupé assez irrésistibles je dois l'avouer. Pas étonnant que le parfum fasse un carton, avec hélas pour corollaire l'anonymat...
Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Face à tant d'insistance je me suis laissé avoir. Piégée comme une bleue par tant de séduisante facilité. Par ce jus joyeux et sans mémoire, un peu aussi par la chanson entraînante (et vengeresse !) de Nancy Sinatra, par la silhouette filiforme évocatrice d'émancipation qui l'incarne. Il se comporte plutôt bien sur ma peau, avec une tenue plus qu'honorable. Vaporisé sur mes vêtements, il m'entoure d'une odeur de... miel, curieusement. Ce n'est pas désagréable. Il sait même se faire rassurant quand vient l'heure du coucher, avec ses effluves de barbe-à-papa et de nougat croquant.
Porter un parfum sans attaches, sans histoires, sans souvenirs, sans fantômes dans son sillage, sans prise de tête, qui se contente de sentir bon, parfois ça fait du bien.
Alors, foucade d'un hiver ou relation durable ? On verra. Nos histoires avec nos parfums ne sont heureusement régies par aucune loi.


Il y a cinq ans aujourd'hui s'ouvraient la porte et les fenêtres de ma Chambre Normande. Je n'avais pas la moindre idée de l'apparence qu'elle prendrait au fil des billets et soupçonnais encore moins qu'elle perdurerait ainsi dans le temps. Pour fêter cet anniversaire je porte La Petite Robe Noire, et j'irai même jusqu'à esquisser un pas de rock, boots aux pieds of course.
Merci à mes fidèles lecteurs.